L’écologie m’apparaissait à l’époque comme un devoir moral, une astreinte civique de tous les jours. Le bruit de la bouteille en verre qui éclate dans le conteneur vert pouvait me procurer une petite satisfaction, celle du devoir accompli, mais, traînant le pas sur le chemin du retour (le conteneur est à deux pâtés de maison), cette petite satisfaction très courte se faisait rapidement piquer par la pointe d’un léger sentiment de trop bon, trop con. Et puis un sentiment en chassant un autre, je continuais à trier mes déchets, davantage comme la punition de ne pas l’avoir fait pendant tant d’années que dans le cadre d’un projet de vie désirable.
J’ai rencontré les Verts par le biais du militantisme. Ils me proposaient de faire voter à la Région une motion contre les discriminations. Cette motion ayant permis un soutien du Département et de la Région (PACA), elle permettait d’engranger de nouvelles actions. Comme quoi la politique peut faire des choses ? J’en étais là quand j’ai commencé à travailler pour EELV (Europe Ecologie Les Verts) au moment de l’édition de leur bilan de fin de mandat à la Région. Dans le cadre de cette collaboration j’avais mis le doigt sur l’évidente nécessité de formuler un véritable concept, un projet de société désirable pour en finir avec les injonctions culpabilisantes, ne nous laissant d’autre choix que le camp des je m’en foutistes ou celui des trop bons trop cons. La tête de liste supposée, Sophie Camard, est venue me voir pour qu’on travaille ensemble sur la campagne des régionales 2015.
Après toute une série d’entretiens et d’études de la situation, on a pu définir une proposition allant au delà de l’écologie politique pour proposer une véritable vision, celle d’une région où les institutions seraient là pour soutenir les initiatives citoyennes (déjà existantes et efficaces), celle d’une nouvelle forme de gouvernance plus démocratique, plus horizontale, celle de La Région Coopérative.
Dans un monde où les gens sont dans le manque (réel ou pulsionnel), parler de décroissance, de limite, de restriction, apparaissait comme non inspirant. Il était devenu par ailleurs absolument nécessaire de sortir des codes de la communication politique, électorale, et écologique, voire même il n’était pas possible de faire “campagne” (dans les codes classiques d’une campagne électorale) tant les citoyens en étaient arrivés au stade du dégoût, de l’ennui et de la méfiance envers les politiques, d’où l’idée de construire un projet qui ne soit pas une énième promesse politique mais un nouveau fonctionnement démocratique basé sur des forces réelles existantes et séduisantes.
Le plus compliqué n’aura pas été de définir le concept mais de convaincre toute les couches politiques, emprisonnées dans des codes et des jeux d’alliances, de se regrouper sous ce projet commun plutôt que sous l’égide des partis ou des têtes d’affiche. Au final, le grand gagnant de ces élections, comme la plupart désormais, fut le risque front national. Mais Sophie Camard n’a pas tout perdu. Autour de ce concept se sont ralliés, en plus des collectifs citoyens, 5 partis habituellement dispersés : EELV, le PG, le FDG, la nouvelle gauche socialiste ainsi que le PC qui n’avait jamais fait campagne sous une autre bannière que la sienne. Faire coopérer des gens autour de la candidate EELV était inédit (sauf à Grenoble). Cette campagne a été pour la candidate un boulevard pour se rallier à la France Insoumise. Elle a été ensuite la députée suppléante de Jean-Luc Mélenchon pour la 4ème circonscription des Bouches-du-Rhône puis maire de secteur.
Je reste convaincu qu’à Marseille comme ailleurs, il n’est de victoire possible demain qu’avec l’émergence de véritables concepts désirables d’abord (être insoumis ou passer la nuit debout avec ou sans gilet jaune n’est pas un concept d’avenir désirable) portés par des personnalités en véritable rupture avec “la politique”, comme ceux et celles qui ont composé le Pacte Démocratique par exemple. [Lire aussi]